Toute une vie ...
Treize juin 2005, Melbourne«
T'es vraiment insupportable ! »
«
Comme si c'était de ma faute. »
«
Évidement que c'est de ta faute, tu fous toujours tout en l'air »
Je ne lui avais même pas laissé le temps de répondre, j'étais déjà sortis en claquant la porte violemment, Ma mère était très puérile parfois, toutes ces disputes entre nous commençaient à me pomper l'air, ça démarre par une broutille et ça finit parfois en bagarre. Comment osait-elle remettre la mort de June sur mon dos ? Des larmes roulèrent sur mes joues, et je les laissais aller, de toute façon elles ne se verraient pas avec cette pluie... Comme presque tous les soirs depuis un mois, Melbourne était noyé par toute cette flotte, et les gens avaient cessé de se plaindre. J'envoyais un message à Aaron pour qu'il me rejoigne au parc, j'avais vraiment besoin de lui, la, maintenant. Aaron, c'est mon frère, le seul avec qui je me sentais bien, en sécurité. Depuis qu'il avait déménagé dans le centre de la ville pour être au plus près de sa FAC, tout allait mal à la maison. Il me manquais, horriblement. Je mis la capuche de mon sweat-shirt même si ça ne servira pas à grand chose et partit en direction du parc en courant. Quand je fus là-bas, Aaron y était déjà, je n'eus pas le loisir de dire quoi que se soit, il me prit dans ses bras, et je me laissais aller, parfois les mots ne sont pas nécessaire. «
Tu sais, me dit-il après un long silence,
ma proposition tient toujours. » Je cessai de pleurer, et levais la tête pour croiser le regard de mon frère «
C'est vrai ? » Répondis-je dans un sanglot stupide. Il rit doucement et me serrant plus fort, un de ses baisers vint se perdre dans mes cheveux. «
Viens vivre chez moi. Je crois que ce sera mieux pour tout le monde... »
Quinze novembre 2008, QuanticoRespiration soudaine, semblant de soupir. La tête basse, je laissais mes larmes s'échapper et s'écraser silencieusement contre le sol blanc qui recouvrait la surface de ma chambre d'hôtel où je résidais depuis un peu moins de deux mois, où je perdais pied. Le combiné du téléphone s'écroula au sol dans un fracas assourdissant. Un hurlement se fit entendre au loin, je me rendis compte, un peu tard, que c'était le mien. Mes yeux restaient rivés sur un point imaginaire, mon corps demeurait immobile, comme si mes muscles, ainsi que mon cerveau refusaient obstinément de m'obéir, mon corps se mouvant seulement à la violence de mes sanglots. Mes genoux heurtèrent le sol. «
Riley... » Quelqu'un, au loin, prononçait mon prénom à répétition, mais j'étais incapable de répondre, rien ne sortait de ma bouche mis à part des mots et des sanglots incompréhensible. Le sifflement aigu qui obstruait ma tête continuait de se prolonger et commençait à envahir mon esprit. Figée sur place, j'observais cette courbe s'aplanir peu à peu, celle de ma vision troublée par mes larmes. Mon cœur battait de plus en plus vite, je m'emballais. Mes pleurs ne s'arrêtaient plus et la terreur avait désormais envahi tous mes membres. Mes mains tremblaient tellement que je dus les plaquer contre ma poitrine pour qu'elles cessent tous mouvements. Nous étions désormais seul face au destin, la réalité m'avait frappée de plein fouet, sans que je m'y attende, sans que je puisse m'y préparer. Les yeux à demi-clos, je priais sans cesse pour que cette mésaventure ne reste qu'un simple cauchemar. Une main s'abattit soudain sur mon épaule. Dans un sursaut épouvantable, je tournai lentement la tête et découvris le visage inquiet de mon grand frère.
Le téléphone avait brusquement sonné en pleine nuit, à cause du décalage horaire. Il n'avait suffi que d'un mot de la part du Docteur Williams, un ami de ma mère, pour que je comprenne. Le monde tombait sur mes épaules, tout s'écroulait sur ma propre personne. Le reste de mon corps tomba lourdement sur le sol, les larmes qui n'avaient jamais cessé de couler le long de mes joues écarlates s'intensifièrent rapidement. Tout était terminé, en l'espace de quelques secondes, ma vie avait basculé du mauvais côté. Je pouvais pleurer toutes les larmes de mon corps et crier à qui voudrait m'entendre, la situation était désormais arrêtée, plus rien ne pourrait changer...
De nos jours...Je me souviendrai sans doute encore longtemps de cette période de ma vie. A peine âgée de 16 ans, je venais de perdre la femme qui m'avait porté neuf mois durant. Celle qui m'avait aimé et qui avait tout fait pour moi. Celle que j'avais pris comme modèle. Nathalia Wilson, infirmière réputée à Melbourne, venait de perdre la vie des suites d'une longue maladie, me laissant ainsi seule face à la vie. Et mon père dans tous ça ? Un hypocrite qui ne pense qu'à lui et qui n'a même pas eu le courage de nous élever, mon frère et moi, alors autant laisser tomber l'idée de compter sur lui pour s'occuper de nous. J'avais tiré un trait sur lui depuis le soir où je l'avais vu quitter la maison, j'avais compris à ce moment là qu'il ne reviendrait pas. J'ai longtemps pleuré son départ, mais aujourd'hui, ça ne m'atteignais plus. Et enfin mon frère, certes, il m'aimait et il aurait tout fait pour moi, mais son travail lui prenait énormément de temps. Je peux donc affirmer avec certitude que j'ai grandit et que je continuerais à vivre dans la solitude. Un sentiment qui ne s'est pas arrangé suite au décès de ma mère.
Quelques mois après son enterrement, bagages à la main, mon frère décida de quitter Melbourne pour partir aux Quantico pour poursuivre sa formation de Marine, et je m'étais résolu à partir avec Aaron puisqu'il ne me reste plus que lui. Aujourd'hui, les choses ont changé. J'ai grandis, je suis devenue plus mature. J'ai de nouveaux amis qui ne me jugent pas sur mon passé mais qui préfèrent m'aimer pour ce que je suis aujourd'hui. La pitié n'a aucune place dans nos relations et c'est cela que j'apprécie avec eux. La roue à tournée en ma faveur, j'ose enfin l'avouer, je suis heureuse.
•••
«
Dis-moi Riley, comment vois-tu ton avenir ? »
Huit. C'est le nombre de fois que cette question m’aie été posé à chaque fois que je tentais en vain de m'inscrire dans une Université de ma région. Huit fois que je répondais la même chose. Bien évidement ma réponse était toujours fausse. J'attendais seulement que l'on comprenne que ce n'était qu'un mensonge et qu'en réalité, ce n'était pas comme ça que je voyais l'avenir, loin de là. Ça ne me faisait même plus sourire. Un soupire las s’échappa de mes lèvres avant que je daigne répondre à cette stupide question. « J'sais pas trop. Seule, sans gosses ni mari. Fourrée dans les trafiques de drogues, problèmes avec la justice, casier judiciaire, tout ça... » Du coin de l'oeil, je pus voir qu'Aaron me jetai un regard mauvais. En voyant les yeux de la proviseur s'agrandirent comme des soucoupes, je sus qu'une nouvelle fois, elle n'avait pas compris la blague. Elle bafouilla quelques mots, nous jetant presque dehors mon frère et moi. C'est la seule chose qui me fit rire.
Aaron resta silencieux durant le trajet et ça me mettait mal à l'aise. «
Dis quelque chose, bon sang ! » Il me foudroya du regard et je me recroquevillais. «
Tu es désespérante... » Je souris malgré moi. «
Tu verras, Aaron, je suis certaine qu'on trouvera une université qui sera digne de moi. » Ses mains se crispèrent sur le volant. «
Digne de toi ? Sérieusement, Riley, arrête un peu avec tes blagues stupides et pense un peu à ton avenir, le vrai ! » Je soupirais une nouvelle fois. Visiblement, lui aussi ne comprenait pas...
«
Dis-moi Gale, comment vois-tu ton avenir ? »
Le directeur de l'université de Quantico me posa cette question une énième fois et je répondis avec la même réponse, exactement la même pour la neuvième et je l’espérais, dernière fois. Le proviseur resta de marbre pendant une minute qui me sembla interminable puis un léger sourire redressa le coin de ses lèvres. Je souris à mon tour et sans que je m'y attende, il éclata de rire, un rire franc, vrai et communicatif. C'est à ce moment là que je sus que j'avais enfin trouvé. Il retrouva vite son sérieux et planta son regard dans le mien avant de reprendre d'une voix grave.
«
Je veux la véritable réponse, Riley. »
Je frissonnais.
Quand je sortis du bureau, j'étais plus livide que jamais, j'avais hâte de retrouver mon frère qui avait préféré rester dans la voiture, et à cet instant, je le maudissait pour ça. Mon corps fut secoué par de nouveau frissons, ce directeur foutait vraiment les jetons, et j’espérais ne plus jamais avoir à lui adresser la parole, où même à le voir. «
Ouh, t'as vraiment une sale tronche, j'en connais une qui vient de faire la connaissance de notre cher directeur. » Je relevais doucement la tête et me retrouvais face à un jeune homme. Bizarrement, je m'arrêtais au lieu de l'ignorer et continuer mon chemin. Je le foudroyais du regard. «
Tu t'es regardé ? » répondis-je vivement, acide. Il rit de bon coeur et pencha la tête «
J'suis aussi passé par là, alors je sais ce que c'est. On dirait que ce mec sort tout droit d'un film d'horreur. Il est terrifiant, tu n'es pas la seule à qui il fait peur, crois-moi ! » Je fronçai les sourcils. Serait-il en train d'insinuer qu'il en avait peur, lui aussi ? «
Il ne me fais pas peur ! » balbutiais-je. Ma réponse me parut fausse et je rougis, ce qui déclencha une nouvelle fois son hilarité. Je me surpris à rire moi aussi et le coin de ses lèvres s'élargirent en un sourire sincère. «
J'mappelle Adam. » sa main se tendit vers moi et je la fixais un moment. Il espérais sans doute une réponse ma gorge se noua brusquement, je déglutis bruyamment avant de saisir sa main et de la serrer, la pression de sa main se fit douce et rassurante, je pris une inspiration avant de répondre «
Et moi Riley ». Il sourit une nouvelle fois et mon coeur se mit à battre plus fort.